« Mais c’est ENCORE de l’hébreu, ton truc ! » (2)
Précisément. Ce manuscrit est le plus vieux de ce type. Il date du début du XIIe siècle et est conservé à la bibliothèque de l’université de Cambridge. Il est écrit avec l’alphabet paléo-hébraïque. L’alphabet fut inventé au XIXe siècle av. J-C et évolua durant le 2e millénaire. À partir de la domination perse au VIe siècle (av. J-C), l’écriture paléo-hébraïque commença à être remplacée par l’écriture araméenne pour écrire l’hébreu et aboutit à l’hébreu dit « carré », visible sur les manuscrits de la mer Morte et tous les documents postérieurs (Codex d’Alep pour ceux qui me suivent) jusqu’à nos jours. Cet alphabet paléo-hébraïque est une forme standardisée (à partir d’environ 1000 avant J-C, à l’époque du royaume d’Israël unifié puis des royaumes d’Israël et de Juda) de l’alphabet initial. Ce manuscrit est un extrait de la Torah (Pentateuque) samaritaine. Mais pourquoi samaritaine ? Parce qu’elle diffère en de nombreux points de la Torah juive (6 000 occurrences). Parce qu’elle est écrite avec cet alphabet. Parce qu’elle est spécifique à cette communauté (800 âmes !). Les Samaritains conservent cet alphabet pour la transmission de la Torah, et de ce fait, perpétuent son apprentissage au sein de leur communauté. Vous observerez que le texte n’est pas vocalisé (les niqqoudot ou signes diacritiques y sont absents ; cf. mon précédent post « Hébreu »), puisqu’il s’agit d’un livre liturgique à lire pendant l’office. Longtemps, on a cru que les Samaritains avaient ressuscité cet alphabet ancien, à l’époque byzantine, pour transmettre leur Torah, et que cette dernière était donc trafiquée, falsifiée. – Or, certains manuscrits de la mer Morte sont très proches de la Torah samaritaine. « La découverte des manuscrits de la mer Morte a montré qu’il existait des manuscrits en hébreu qui concordaient avec la version des Samaritains. […] Jusque-là, quand il y avait des différences (entre les versions), on pensait que le traducteur s’était trompé ou qu’il avait pris des libertés avec le texte, ou encore qu’il avait voulu l’actualiser pour qu’il soit plus acceptable pour ses contemporains. Mais lorsque l’on constate qu’à la même époque, au même endroit, on a […] plusieurs versions en hébreu, cela montre bien que l’on est face à une tradition vivante dans laquelle le texte n’est pas encore fixé. Le scribe n’est pas seulement un copiste, c’est aussi un rédacteur […] cela remet en question le caractère figé que l’on prête souvent aux textes sacrés. » (Chroniques de la BnF n° 53, 2010) – Mieux : il y a environ 1 600 passages où le texte samaritain concorde avec la Septante et non avec la Torah juive, la Septante étant une traduction en grec de la Bible hébraïque, rédigée vers 270 avant J-C. Ceci semble indiquer que la version samaritaine du Pentateuque est très proche du document source à l’origine de la traduction de la Septante. #correcteur #correction #lecteurcorrecteur #histoire #bible #judaïsme
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